Mélange de torchon et de serviette
Ce jour était marqué d'une croix, elle n'avait rien écrit dans son agenda pourtant débordant d'informations en tout genre, mais elle ne le laisserait pas se coucher sans avoir coupé ses tissus, sans avoir donné corps à ces patrons japonais que Monsieur Ma a rapportés de son dernier voyage. Elle avait déjà patienté trop longtemps à son goût. Tant pis pour le linge à repasser, elle fermerait aussi les yeux sur les poussières qui attendent son coup de chiffon, il fait beau, les volets sont ouverts, ses papiers de soie sont étalés sur la table et les piles de vieux draps s'offrent à son choix. L'ancienne taie d'oreiller fera parfaitement l'affaire, déchirée par endroit, usée par les ans, elle peut si elle lui accorde du temps en la découpant encore donner beaucoup de ses fines broderies. S'arranger pour que le bas des manches soit dentelé, le plastron et le bas de la tunique aussi, la retourner dans tous les sens, dessiner au crayon et tailler. Il faudra du fil solide et une aiguille très fine car le coton est délicat. Et puis, ce torchon avec les chiffres de ses grands parents, il y a moyen, c'est sûr de le transformer en robe toute simple comme elle les aime. Du blanc pour Céleste, Madame Ma n'est pas certaine de teinter cette fois ci. Elle avisera plus tard. Evidemment, elle a reposé maintes fois ses ciseaux pour éloigner Céleste des armoires de vaisselle dans lesquelles elle plonge ses petites mains, pour lui enlever les allumettes des doigts, ou pour ranger son sac qu'elle vide avec délectation. Elle voudrait tant reculer l'heure de la sortie de classe pour ranger ses ouvrages avant le retour des enfants. Jules est à la montagne avec ses grands parents, les filles seront conciliantes, la robe et la tunique ne seront plus que des images sur un joli livre.