Le sac de Madame Ma
Chaque soir, quand elle vient écrire son billet, avant de trouver les mots et les frapper, elle regarde sur le sol. Elle sait que son histoire est là. Elle y a déposé ce que contenait son sac, celui qui est souvent plus léger le matin que le soir. Elle le porte toute la journée et le remplit de rires, de sourires, de souvenirs, de mots, elle ramasse aussi des images, des odeurs, des sensations, et tout cela ne pèse pas bien lourd sur les épaules de Madame Ma. Comme un diamant dont les légers grammes imperceptibles suffisent à lui conférer une valeur inestimable. Elle cueille inévitablement des disputes, des tensions, des pleurs, des cris, et tasse avec quelques gros mots. Tout cela est plus volumineux, rentre plus difficilement, mais elle l'ajoute parce qu'elle n'a pas le choix, pourtant son sac s'alourdit, ses épaules s'affaissent et son dos se courbe, mais elle porte. Madame Ma est bien élevée, elle ne regarde pas le sac des autres mais elle ne confie pas le sien. Généralement, elle peut patienter plusieurs jours avant de le retourner, mais ce soir, comme ça arrive de temps en temps, il faut qu'elle le retourne et le secoue, pour être certaine de l'avoir bien vidé, car il est plein à craquer et son corps ne pourrait plus l'endosser.
La journée ne compte pourtant que vingt trois heures, une heure de moins à récolter mais cet après midi, elle a vidé son sac, elle n'en pouvait plus. Il était plombé par des bêtises. Madeleine arrivera une heure en retard (peut etre celle qui manque à la journée) à l'anniversaire de B. le grand Russe de sa classe alors qu'elle se réjouissait depuis 3 semaines, mais son frère s'entête à se placer comme victime de la sévérité de ses parents, au lieu de tout simplement obéir. Monsieur Ma excédé le privera de sortie avec Junior. Et puis les choses s'enchaînent et pas dans la douceur. Son sac s'aggrandit à vue d'oeil... Elle le retourne et le vide, avec la délicatesse, aujourd' hui, de ne pas énumérer ce qui jonche le sol, pour laisser au pardon son droit à l'oubli.