Plaisir et légereté
Ce sont les mots qu'elle a signés et que Madame Ma a photographiés avant d'effacer le tableau noir. Maintes fois, elle s'est attablée face à son ordinateur impatiente d'écrire tous ces instants passés avec cette autre famille. Hier soir, elle devait être la première à écrire son billet, Cécile cousait à côté d'elle. Elle tape une première ligne "oh, je pensais..." et la ligne restait en suspens attendant que ces dames, une fois leur conversation terminée, laisserait l'auteur la boucler. Combien de lignes relues, de mots oubliés, elle ne sait plus. Elle a décidé d'écouter ce qu'elle ne lirait jamais sur les billets de celle qui lui parle, et de lui confier ce qui resterait entre elles deux. L'ordinateur s'est mis en veille. La couture de Cécile n'avance pas tellement, il est onze heures, minuit, une heure. On se promet d'entamer un dernier sujet avant de se coucher à ... bien trop tard pour être raisonnable. Mais raisonnable, n'est pas le mot qui leur convient. Elles sont différentes, pourtant le diapason semble leur donner le même ton. Que c'est bon de rire comme des enfants de douze ans, d'échaffauder des billets bidons dans lesquels elles prétendraient ne plus se supporter, avoir commis une énorme erreur et désormais ne plus vouloir entendre parler de cette connaissance tire au flanc et opportuniste, rire encore des possibles commentaires et puis décider que la trace à conserver ce soir, c'est celle de cette proximité époustouflante pour deux personnes qui ont échangé un coup de téléphone et une rencontre furtive au pilier sud de la tour Eiffel. Etre capable de se raconter des histoires drôles, parfois lourdes, parfois osées sur la route pour aller au poney club où monte Madeleine et laisser l'instant suivant se submerger d'une intense intimité. S'étonner de ne pas entendre plus de cris ou de jérémiades dans une maison où cohabite 8 enfants. Prendre des repas simples parce que Madame Ma n'a pas besoin d'en rajouter, croire que ce sont des cousins en vacances. Se dépêcher de rassembler les affaires éparpillées, se quitter comme si la prochaine fois arriverait vite. Et pour Madame Ma, aller chercher son mari la préservera de la nostalgie.